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  • Photo du rédacteurArnaud D'Hoine

Mécanique de la surchauffe


La perspective d'une élection, présidentielle de surcroît, autorise éventuellement un voeu: celui de voir un sujet un peu délaissé ces derniers temps être porté par le candidat X ou Y avec une vraie conviction, tel un étendard auquel se rallier pour faire avancer les choses.

Mettons nous d'accord d'emblée sur deux points. Primo, j'ai passé l'âge de croire au Père Noël, alors les promesses de campagne et les programmes, hein... Secundo, point n'est question de causer politique dans ces lignes. Tout au mieux évoquerons nous le fait que Benoît Hamon, intronisé héraut de son parti depuis hier, sera peut-être amené à remettre un coup de projecteur sur la reconnaissance et la prise en charge comme maladie professionnelle du burn-out, après ses tentatives de 2015. Et ça, ce serait plutôt une bonne nouvelle, même si le terrain est miné, le chemin tortueux et les résistances nombreuses..

Alors en attendant que les choses bougent, on fait quoi?

On peut commencer par se pencher sur les travaux de deux auteurs histoire d'appréhender les caractéristiques de cet épuisement.

  • Herbert J. Freudenberger: un des premiers sinon le premier a s'être penché sur le burn-out. Son bouquin L'épuisement professionnel: la brûlure interne reste une référence absolue en la matière plus de 30 ans après sa parution. Il a notamment séquencé l'installation du burn en plusieurs étapes, sur lesquelles nous reviendrons dans quelques minutes.

  • Christina Maslach, dont les travaux ont servi de base à la Direction Générale du Travail pour un guide de prévention téléchargeable ici. Vous croiserez probablement dans vos recherches Google le MBI (Maslach Burn Out Inventory), qui évalue 3 critères: la dépersonnalisation, l'épuisement et l'acccomplissement personnel. En résumé, si les scores obtenus en répondant au questionnaire sont élevés sur les catégories dépersonnalisation et épuisement, et faible sur sur accomplissement personnel, le risque est grand qu'on se trouve en situation de burn out.

Et pratiquement? Le burn out s'installe en plusieurs temps. Examinons pour le moment les comportements personnels, en nous basant (certes un peu librement) sur les étapes décrites par Freudenberger. Si vous reconnaissez un proche, un collègue, un collaborateur, une personne de votre entourage, faites attention à lui. Et rappellez vous que l'épuisement professionnel est une pathologie des bons élèves, des sur-performeurs, des wonder-women, supermen et autres méga héros du quotidien.

I. Ambition & sur-performance: En plus des objectifs qui vous ont été attribués, vous vous en fixez de supplémentaires particulièrement ambitieux. Vous voulez plaire. Votre charge de travail et votre investissement sont importants, votre motivation entière, vous prenez du plaisir à ce que vous faites, même si cela engendre un certain niveau de pression que vous assumez. Le stress généré est ponctuel, positif, il vous booste. Il est essentiel dès le départ de mettre en place des stratégies de limitation du stress, d'en identifier les facteurs potentiels, de poser des limites. Si la pression de l'environnement est trop importante, n'oubliez pas d'exercer une contre-pression équivalente afin de rétablir l'équilibre. Un coach peut tout à fait vous aider dans cette démarche.

 

II. Méconnaissance de ses propres besoins / négligence de soi : Le stress commence à se manifester de manière récurrente sur des périodes plus longues. Le travail est prenant, vous avez du mal à le laisser de côté même s'il consomme de plus en plus d'énergie sans que les résultats soient probants. Vous auriez besoin de prendre du repos, de vous changer les idées mais vous vous y refusez ou repoussez à plus tard. La récupération physique commence à être difficile. Votre entourage familial / amical / pro a un rôle prépondérant à jouer ici. Celui de garde-fou. Vos proches sont les premiers à constater des modifications comportementales, à les accepter ou les critiquer. Ecoutez-les, faites des pauses, revoyez votre rythme et vos priorités.

 

III. Premières manifestations physiques:

Trouver le sommeil devient problématique, la fatigue s'installe. D'autres troubles peuvent apparaître: migraines, tendinites, douleurs, maux de ventre... Cette légère dégradation physique affecte votre rendement, ce qui vous inquiète. La frustration et l'irritabilité font leur apparition, la concentration connaît quelques sautes.

On a souvent tendance à croire que "ça passera". Or apprendre à écouter son corps et à se traiter avec bienveillance est fondamental dans la lutte contre l'épuisement professionnel. L'apparition de ces symptômes marque l'opportunité d'un premier échange avec un médecin. N'hésitez pas à lui parler de votre cadre professionnel, vous n'êtes en aucun cas dans un aveu de faiblesse. Au contraire, vous vous donnerez les moyens d'être plus efficace.

 

IV. Résistance et déni: Vous avez sans doute compris que quelque chose n'allait pas mais vous décidez de l'ignorer par peur de l'échec. Désormais habitué à un état de stress devenu permanent, votre corps n'a plus la même force pour vous envoyer des signaux d'alerte. Vous compensez la perte d'efficacité par un coup de collier supplémentaire, mais vous commencez à faire davantage d'erreurs, ce qui entraîne encore plus d'efforts. Le but à atteindre a pris une place prépondérante, en conséquence de quoi vous vous isolez, n'ayant pas de temps à consacrer aux autres. De toute façon, les avis extérieurs vous sont devenus insupportables ou sont sources de conflit.

Il s'agit d'une étape critique. Les symptômes physiques ont peut-être disparu, mais trois changements comportementaux sont identifiables par votre entourage. L'isolement, la difficulté croissante à faire face aux tensions et le fait de rejeter la responsabilité de la situation sur d'autres sans envisager que ce soit son propre comportement qui puisse engendrer le déséquilibre. A ce stade, les proches, le réseau, le management doivent intervenir afin de faire sortir la tête de l'eau. La médecine du travail peut également être sollicitée.

 

V. Rupture physique: L'épuisement physique atteint un stade tel que votre corps ne peut plus l'ignorer. Tout vous demande de l'énergie, mais vous n'en avez plus, ce qui entraîne un sentiment d'impuissance et une forte dégradation de votre estime. Vous vous sentez dépassé, mais certaines substances psychoactives (tabac, alcool, drogue) font leur apparition pour abaisser les tensions. On arrête tout. Rendez-vous chez le médecin, qui pourra prescrire un arrêt de travail. Prenez le temps de préparer votre retour, ou faites-vous aider sur ce sujet: to do listes réalistes, objectifs revus à la baisse, nouvelle planification...Hors de question de retrouver la situation telle que vous l'avez quittée.Le médecin pourra éventuellement vous inciter à consulter un psychothérapeute afin de vous aider à identifier vos vrais besoins, explorer les causes de l'épuisement, etc.

 

VI. Rupture psychique: C'est un grand sentiment de vide qui prédomine. Vous entrez dans une phase de dépersonnalisation en ignorant totalement vos besoins et ceux des autres. Aux crises d'anxiété ou de panique succèdent la froideur, la distance et le cynisme.

Les actions qui peuvent être mises en place sont les mêmes qu'à l'étape précédente, sachant qu'un travail psy sur l'identification des causes et des mesures à mettre en place prend encore plus de sens.

 

VII. Épuisement:

Physiquement, émotionnellement et psychologiquement, il n'y a plus une goutte de carburant dans la machine. Votre corps dit stop, incapable de faire un mouvement. Vous êtes en burn.

Attendez-vous à un suivi thérapeutique long. Revenir d'un burn-out est un travail délicat, qui nécessite des béquilles sous la forme d'une aide extérieure (thérapie comportementale, thérapie cognitive, hypnose, EMDR, etc.)

 

A noter que ces phases ne sont pas toujours présentes, peuvent prendre des formes différentes, voire se mélanger. Mais certains facteurs ne trompent pas, au premier rang desquels les troubles du sommeil, les petits bobos à répétition et les changements soudains d'humeur.

Regardez vous et considérez vous avec bienveillance, faites en de même pour votre entourage professionnel, c'est en ça que consiste pour le moment la meilleure prévention.

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