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  • Photo du rédacteurArnaud D'Hoine

Platon, le confort, les GPS et moi...


Seth Godin "if it scares you..."

Oui. Je sais.

J'ai démarré un article avec une "phrase inspirante". Mais ce n'est pas la pire. J'aurais pu opter pour cette citation du fantasque Neale Donald Walsch, croisée un million de fois sur les interouèbes:

"Life starts at the end of your comfort zone"

Alors oui, c'est vu, revu et archi-vu. Et oui, vous connaissez déjà mon amour immodéré des incantations de self-empowerment et des punchlines de développement personnel tendance mystique. Reste que Godin, comme Walsch, nous invitent à faire une chose qu'à bien des égards on considère comme salutaire : sortir de notre zone de confort.

Mais ce ne sont pas les premiers. Il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine... Bon, ok en Grèce Antique, il y a environ 2400 ans, Platon exhortait ses copains à se prendre en main, affronter leurs peurs afin de sortir de la caverne et de gagner le monde intelligible. Cette lecture de l'allégorie platonicienne peut sembler un peu légère aux plus littéraires d'entre vous, mais en y regardant à deux fois il y a beaucoup de similitudes entre la situation des types bloqués au fond de leur grotte et un individu qui ronronne un peu de nos jours.

Arrêtons-nous deux secondes sur ce que serait cette zone de confort.

Physiologiquement, la légende dit qu'il s'agirait de l'amplitude thermique dans laquelle les êtres humains n'ont ni trop chaud ni trop froid, soit 19.4 à 25.5°c.

Plus proche de nos considérations? Judith M. Bardwick la définit comme " l'état comportemental d'une personne qui choisit de vivre dans une position neutre d'anxiété." Pour Brené Brown, c'est "un espace où notre incertitude, le manque et la vulnérabilité sont réduits au minimum et où nous croyons que nous aurons accès à suffisamment de nourriture, d'amour, d'estime, de talent, et de temps. Où nous avons le sentiment d'avoir un certain contrôle."

Contrairement à ce que son nom indique cette zone n'est ni franchement confortable, ni franchement inconfortable. C'est un espace sécurisant, construit sur des habitudes, des activités, des comportements eux-mêmes grandements basés sur des croyance, des mythes fondateurs , voire les injonctions liées à notre éducation (sois gentil/fais plaisir, sois fort, sois parfait, dépêches-toi, fais des efforts). Et bien évidemment cette zone n'est pas caractérisée par sa grande productivité, ni sa puissance créatrice.

 
Life starts at the end of your... what????

Expliqué comme ça, est-ce si dramatique d'y faire son nid? Pourquoi nous exhorter à en sortir? D'abord par choix.

Revenons à Platon deux minutes. Pour lui, ceux qui parviennent à sortir de la caverne ont accès à la connaissance, à la liberté et au bonheur. Et cela devrait être l'objectif de tout homme. En revanche, ceux qui restent au fond sont prisonniers d'illusions entretenues par de vilains marionnettistes. A l'époque, ces manipulateurs désignaient les politiciens, les sophistes, les détenteurs de l'autorité, voire la famille. On peut imaginer aujourd'hui que la liste s'allonge: impuissance apprise, incertitudes économiques, pression diverse... Le texte original nous enseigne également que le chemin vers la liberté n'est pas coton coton. D'ailleurs, personne ne se porte volontaire et il faut forcer un individu à avancer étape après étape vers la sortie après lui avoir ôté ses chaînes. Et le pauvre en bave, à tel point que la tentation est grande et régulière de retourner se rouler en boule dans le confort de ses certitudes et ses croyances, aussi fausses soient-elles. Mais le jeu en vaut la chandelle. L'homme sorti de la caverne a appris. Il n'est plus dans la croyance, il peut prendre de meilleures décisions. N'est-ce pas là ce qui nous intéresse?

Un peu plus proche de nous, on pourrait penser aux travaux d'Alfred Korzybski, à qui on doit l'aphorisme "la carte n'est pas le territoire". Ces cartes, que nous avons tous, sont des représentations intérieures de la réalité extérieure construites sur notre éducation, nos expériences, notre culture, nos valeurs, etc. Elles nous servent ensuite à prendre des décisions. Et comme toutes les cartes, elle peuvent avoir besoin de temps à autre d'une petite mise à jour. Imaginez que vous découvriez un itinéraire qui vous fasse gagner 20% de temps de trajet, mais que votre GPS ne vous l'ait pas indiqué... Ou que vous récoltiez une prune pour avoir pris un sens interdit qui ne figurait pas dans la dernière livraison de votre cartographie. Comment réagiriez-vous? Votre carte actuelle garantit-elle votre bien-être, votre satisfaction? Si la réponse est non, peut-être est-il temps d'en changer, de la revoir, de l'améliorer, en sortant de la zone de confort.

D'autres travaux plus récents encore nous invitent à quitter la zone pour des questions d'efficacité. Selon Dan Pink, il faut nécessairement avoir un espace d'inconfort productif. Mais pas à n'importe quel prix, car si s'installer dans le confort entraîne un taux de productivité et de créativité proche de zéro, trop d'inconfort engendrerait la même absence de résultat. C'est la zone optimale de performance (¹), où l'efficacité et la performance sont améliorées moyennant une dose supplémentaire de stress. D'autres appeleront cet espace zone d'apprentissage, ou encore zone d'effort. Une chose est sure, au delà c'est une zone de danger pour l'individu, où l'efficacité décroît en raison d'une pression trop forte.

On peut également être amené à devoir s'éloigner de sa zone de confort par une forme d'obligation. D'après B.Brown des contextes d'incertitudes perso ou pro, d'instabilité politique, économique ou sociale... sont propices à l'émergence de sensations d'anxiété, de vulnérabilité, et de cette dernière peuvent naître des sentiments de peur ou de honte. Le meilleur moyen de ne pas avoir à gérer ces émotions serait de se réfugier dans sa zone de confort, sauf que dans de tels contextes celle-ci aurait tendance à voir sa surface utile diminuer... Pour résoudre ce casse tête, il faut donc étendre sa zone de confort. Et pour cela une seule solution: en sortir, régulièrement, progressivement. Et apprendre.

 
Comfort zone vs where the magic happens

Peur de l'échec, crainte des jugements, croyance limitante quant à une incapacité supposée... Les raisons de ne pas sortir de sa zone de confort se comptent par brouettes entières, et toutes n'affichent pas exactement le même taux de véracité.

En revanche, si une chose est vraie, c'est que ce n'est pas un chemin facile car il mène vers davantage de stress... mais aussi d'opportunités, de stimulation, de challenge, de créativité, voire d'envie ou de sens! Et si c'était l'occasion de vous affirmer, pourquoi pas de découvrir de nouvelles ambitions et de les assumer?

Et puis, quitter sa zone de confort ne doit pas vouloir dire mettre en danger votre écologie ni toucher à votre sécurité ontologique. C'est une question d'allers retours entre votre point de départ et la zone d'apprentissage, et de temps passé dans cette dernière. C'est savoir identifier où est la limite avec la zone de panique, pour ne pas se brûler les ailes et renoncer tout de suite. C'est idéalement accepter de reconnaître la peur et l'incertitude, et être ok avec un certain degré d'inconfort qui peut vous pousser vers des objectifs considérés comme inatteignables jusque là.

Et pour vous remercier d'avoir tout lu, je vous laisse avec une chouette vidéo sur le sujet!

(¹) : Alasdair White, From Comfort Zone to Performance Management: Understanding Development and Performance, White & MacLean Publishing, 01/12/2009

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