Arnaud D'Hoine
Lâche la banane!

Franck est un ami que j'apprécie beaucoup. Un type gentil, direct, qui ne s'attache pas trop au superflu et qui a un répertoire d'expressions imagées assez intéressant. Franck est hypnothérapeute, alors les histoires, les métaphores, il maîtrise. Il sait tracer des parallèles entre la situation d'un patient et une anecdote pas si anecdotique... C'est lui qui m'a mis dans la tête la phrase qui sert de titre à ce billet. Une petite phrase, toute simple, limite idiote de prime abord, et qui est pourtant un des meilleurs conseils que l'on puisse recevoir.
Explications empirique. Pour cela, nous allons avoir besoin dans un premier temps d'un singe, idéalement un individu malin et gourmand, et d'une grande boîte transparente. Dans cette boîte, plaçons un objet de petite taille qui éveille suffisamment l'intérêt de notre ami pour que ce dernier souhaite le récupérer à travers un trou dans la boîte. Trou dont le diamètre sera juste suffisant pour qu'il puisse y passer le bras, récupérer le bidule et le sortir. Répétons l'opération plusieurs fois, avec différents objets... Pour finir, glissons maintenant une grande, belle, magnifique banane.

Pas de bol pour le singe, nous nous sommes assurés que la banane ne puisse en aucun cas passer à travers le trou. Notre lointain cousin a désormais deux options: garder le fruit dans sa main et rester le bras coincé dans la boîte comme un gland, ou le lâcher pour se libérer. S'il venait à retirer son bras, ce qu'il fera ensuite dépend uniquement de lui. Il pourra décider de passer à autre chose, ou retenter le coup pour aboutir systématiquement au même résultat et à la même insatisfaction.
Ça vous semble familier?
Transposons maintenant cette expérience dans la vie réelle, remplaçons le pauvre singe accro par... vous, mettons, et la banane par un objectif, un but, une tâche, une situation sur laquelle vous vous cassez les dents depuis longtemps. Cet état rend tout mouvement impossible. Si le singe décide de s'entêter et de trouver une solution à une situation qui n'en a pas, ce n'est pas de la réflexion. C'est de la rumination. Et comme le souligne Christophe André, la rumination est une pensée circulaire, stérile, épuisante... Malgré toute notre intelligence, il existe des situations inextricables où le seul choix d’auto-préservation est de lâcher la banane. De lâcher prise. De passer à autre chose.
Ce qui ne veut pas dire que cela soit facile pour autant. Parce qu'abandonner cette fichue banane? C'est hors de question. On va bien finir par y arriver, elle est parfaitement accessible, et il est impossible de ne pas trouver de solution. Et si c'était vraiment impossible? Et bien ce serait profondément révoltant, injuste, ça me mettrait vraiment en colère parce que j'y ai consacré tellement de temps, d'énergie, voire de sacrifices qu'il est inacceptable que ça se passe ainsi... Ça tombe toujours sur moi! Il y a forcément un moyen, d'ailleurs peut-être qu'en faisant plus d'efforts, peut-être que si j'attends encore un peu, on finira par me la donner de guerre lasse... Ou alors il faudrait que je trouve un levier pour convaincre les gens qui mettent la banane dans la boîte de ne plus le faire et de me la donner directement... Ils voudront bien me la donner si je demande gentiment. Non? eh bien ça me rend triste. C'est nul, c'est injuste, cette iniquité fait mal, je me sens misérable, impuissant... Et puis ça suffit. Je ne sais pas s'il y a d'autres boîtes, d'autres fruits ailleurs, mais je sais que ça ne sert à rien de s’appesantir et de rester là, les bras ballants, à espérer quelque chose qui n'arrivera jamais. C'est l'heure de lâcher - vraiment - cette banane...
Ces propos vous évoquent quelque chose? C'est le modèle Kübler-Ross, en version accélérée et un poil caricatural. Car lâcher prise, se remettre en mouvement, accepter un changement, tout cela s'apparente à la gestion d'un deuil et à ses 5 étapes.

Lâcher la banane, c'est accepter l'idée que l'état dans lequel on se trouve n'est pas satisfaisant, nocif pour la confiance et l'estime de soi. C'est décider de laisser de côté une chimère au profit de nouveaux objectifs atteignables et gratifiants. C'est se remettre en mouvement en surpassant un coup-jarret. C'est appeler de ses vœux un changement et mettre en place les actions qui permettront de l'opérer. Et c'est quelque chose que l'on n'est rarement obligé d'entreprendre seul.
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