Arnaud D'Hoine
Rentrée blues

Votre réveil sonne. On y est. Vous êtes prêts. Vous devez l'être.
Prêt à résister à la tentation de battre à coups d'agrafeuse Jean-Maurice de la compta qui, telle une bernique coincée sur son rocher, fera le tour des bureaux pour montrer à qui le veut (et surtout ceux qui ne le veulent pas) les photos du stage de poney de ses enfants à Quiberon. Prêt à ne pas encastrer la tête de votre Community Manager dans la machine à café alors qu'il raconte pour la 158ème fois, série en cours, les bienfaits de sa digital detox dans un village tibétain. Prêt à ne pas faire ressortir immédiatement des limbes de votre mémoire le vieux dossier qui a séché au soleil pendant votre absence. Prêt à profiter de l'absence de votre management pendant quelques jours encore.
Vous finirez par rentrer chez vous, satisfait d'une reprise somme toute assez douce. Félicitations, Day One, mission accomplie.
Seul hic, il y a un lendemain. Et avec lui quelques potentielles contrariétés.

Ci-contre, une allégorie de l'ouverture probable de votre boite mail après une absence prolongée. Toutes les méthodologies du monde n'y changeront rien, il faut une bonne dose de motivation pour savoir par où commencer et dépiler efficacement les 48956 mails qui saturent votre boîte, et l'ampleur de la tâche peut avoir un petit effet coupe-jarret tout à fait compréhensible. En outre, votre N+1 est finalement revenu et enchaîne depuis les points informels et les réunions sans motifs afin, avouons le, de se rassurer et d'envoyer des signaux à sa propre hiérarchie plutôt que de mobiliser efficacement les troupes. Finalement, rien n'a réellement changé, d'ailleurs pourquoi cela aurait-il été le cas?
Rien, vraiment?
Pas même vous?
La pause estivale a peut-être été l’occasion de changer de perspective, d’adopter de nouveaux comportements, voire d’enclencher des réflexions sur votre travail. Que votre environnement ait changé ou non importe finalement assez peu, car il vous appartient de d'expérimenter ou de mettre à profit les conclusions de vos cogitations. Ou de reprendre les mauvaises habitudes...
Ce n'est pas parce que les vacances sont finies que les nouveaux et bons comportements doivent disparaître !
La reprise ne signifie pas la fin des petits plaisirs, mais l'occasion de les intégrer dans un cadre professionnel et de les tester. Vous avez redécouvert les bienfaits d'une vraie pause déjeuner? Pourquoi faudrait il à nouveau considérer ce temps comme une extension de votre activité? Vous avez pris conscience des bienfaits d'une activité physique régulière? Trouvez un créneau dans votre planning hebdo (sans sacrifier quoi que ce soit d'utile ou d'aussi important) que vous y consacrerez. Vous vous dites que finalement, ce n'est pas si mal de passer du temps en famille? Alors débrouillez vous pour vous rendre disponible.
Faut il impérativement redémarrer pied au plancher?
Tout n’étant pas essentiel, vous risquez d’accroître plus que de raison la fatigue légitime liée à la reprise. Après tout, il faut réamorcer la machine et le meilleur moyen est de se fixer des petits objectifs pour retrouver la sensation de bien-être liée à l’accomplissement d’une tâche. Hiérarchiser va être une étape primordiale, un des meilleurs exemples étant le traitement de la boite mail après un congés.
"Ce qui est important est rarement urgent et ce qui est urgent rarement important"
Dwight.E Eisenhower (paraît-il)
Pour le coup, la bonne vieille matrice du sus-mentionné 34ème président des EUA peut encore servir. Bien évidemment, elle n'est pas suffisante car les biais sont nombreux entre votre subjectivité et votre référentiel de valeurs, celui de votre entreprise, sa culture... Mais en tant qu’appui à la prise de conscience relative à l’organisation de votre travail et ce que vous y projetez, c'est simple et efficace. La rentrée des classes est un bon moment pour questionner votre rythme. Ralentissez ! Et profitez en pour vous débarrasser de la vitesse superflue, celle qui entretient la logique du « toujours plus, toujours plus vite », pour vous concentrer sur l’efficacité. Ralentir, c’est consacrer le temps nécessaire à chaque tâche, s’accorder le droit à la réflexion et à la concentration, être à l’écoute de ses besoins et se ressourcer, d’être dans une logique de durabilité.
Et si le changement s'installait durablement?
L'été a peut-être été l'occasion de prendre conscience d’un dysfonctionnement, d’une insatisfaction et de ses causes supposées. C'est une belle et grande première étape. Mais si elle invite au changement, elle ne le produit pas nécessairement. Ce sont les actions qui découlent de cette prise de conscience qui vont provoquer la sortie de crise. Alors on oublie les listes de bonnes résolutions soufflées par les méthodes de développement personnel trop impersonnelles, et on passe en revue en toute objectivité son rapport au temps, la satisfaction des besoins, des envies, la liste des priorités, ses croyances, les comportements qui découlent de tout cela, etc. Et on considère avec un maximum de bienveillance l'idée même de changement, qui peut légitimement impressionner.

Le blues de la rentrée est largement entretenu par la magie des ancrages négatifs et des croyances limitantes. Quand rien n'a changé, il suffit de se laisser convaincre que c'est normal, et que vous n'y pouvez rien. C'est comme ça... Vos collègues étaient idiots, bruyants, carriéristes, inutiles, les outils n’étaient pas là pour vous permettre d’atteindre les objectifs, la stratégie était floue, et il n’y a aucune raison pour que cela ait évolué durant les vacances. Mais si les facteurs externes ne peuvent être modifiés qu'à la marge, vous avez un champ d'action beaucoup plus large sur vos facteurs internes. Alors en parallèle de la procrastination et de la glandouille réglementaires inhérentes à la rentrée, profitez-en pour bosser sur vous !